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Conversation avec Steven L. Bridges

Steven L. Bridges : J’aimerais prendre le dessin comme point de départ de notre conversation. Si je comprends bien, le dessin a été l’une de vos premières passions et il demeure aujourd’hui un aspect important de votre pratique. Comment avez-vous développé votre goût pour le dessin, pour la représentation du monde et de la vie qui vous entoure, et quelle place occupe-t-il encore aujourd’hui ?

Laurent Le Deunff : Mon intérêt pour le dessin remonte à l’enfance, je me souviens que je dessinais en regardant des dessins animés à la télé, j’essayais de reproduire en direct les images de mes génériques favoris. Durant toute ma scolarité, le dessin était l’une de mes occupations et matières préférées, la seule où j’obtenais les meilleures notes. Le dessin me permettait de communiquer et de me faire apprécier des autres. C’est peut-être encore la même chose aujourd’hui.
Ce que j’aime avec le dessin, c’est la simplicité et l’économie de moyen de cette pratique. Elle réclame peu : un crayon, une feuille, une gomme, une table, une chaise.
Quand j’ai préparé les concours pour les écoles d’art, on m’a vivement déconseillé de montrer mes dessins et de favoriser des propositions plus « art contemporain » ou ce qui pouvait s’en rapprocher. J’ai alors mis le dessin de côté pour y revenir très rarement durant mes études, uniquement lorsque l’emploi de ce médium était justifié par l’idée. Par exemple, je dessinais des animaux hybrides en essayant d’imiter le trait des illustrations des encyclopédies ou du Larousse illustré.
Ce n’est que longtemps après ma sortie de l’école d’art que le dessin est vraiment devenu une nécessité, une manière de représenter et de raconter des choses que je ne pouvais pas faire en sculpture.
L’une de mes premières séries, les « Chasseurs flous », était inspirée par les photos de la revue Le Chasseur français.
Avec un porte-mine et dans un style « gravure de chasse », je représentais minutieusement des chasseurs mais en prenant soin d’enlever les armes, de gommer des parties de paysage pour les capturer ainsi seuls, dans un fondu au blanc et un flou romantique avec l’animal tué. Pour l’anecdote, Le Chasseur français était aussi le premier magazine d’annonces matrimoniales. Évidemment cela aussi m’intéressait.

SLB : Ainsi, les lecteurs ne chassaient pas seulement des animaux sauvages, mais peut-être aussi un partenaire ou une compagne, d’une certaine façon (rires).
Le dessin reste un élément important de votre travail, mais au cours des deux dernières décennies, vous avez réalisé des sculptures, vous avez produit des œuvres dans l’espace public, des installations et créé de vastes environnements... Lorsque vous développez une idée, qu’est-ce qui détermine le format, le support ou la manière de travailler ? Comment ces différents médias, avec leurs modes de communication spécifiques, se rattachent-ils à la nature conceptuelle d’un projet particulier ? Vous pourriez peut-être donner un exemple ?

LLD :Aujourd’hui, ma pratique du dessin alterne avec celle de la sculpture dans un va-et-vient continu. Ce sont deux temps différents mais complémentaires. Ainsi, j’explore les liens qui potentiellement unissent ces deux pratiques et les fais dialoguer, notamment dans les expositions, comme récemment avec la série sur mon chat Grelot.
Même si ma pratique s’articule principalement autour de la sculpture et du dessin, je l’ouvre à d’autres champs d’exploration, en fonction aussi des différentes opportunités qui me sont proposées.
Quand je suis invité à exposer en extérieur, je pense mes sculptures comme des sortes d’entités, si possible à échelle humaine, qui tiennent compte du contexte dans lequel elles sont présentées. Je m’intéresse évidemment aux situations que provoque la rencontre avec les œuvres : par exemple, le Hibou, exposé en permanence au Vent des Forêts (Meuse), sur un circuit de randonnée, a reçu à ses pieds des offrandes, sous forme de pommes de pin offertes par les promeneurs. C’est un exemple parmi d’autres... La vie de ces formes m’intéresse aussi dans leur vieillissement et leur évolution avec le paysage autour, quand bien même elles sont exposées en milieu urbain et pour une courte durée.

SLB : J’apprécie beaucoup ce que vous avez dit sur votre prise en compte de la scénographie. Si je regarde vos expositions plus anciennes, vous utilisez souvent des dispositifs muséographiques, où les œuvres sont présentées sur des piédestaux ou soutenues par des armatures métalliques de
différentes manières. Cela reproduit l’atmosphère d’un musée d’histoire naturelle et confère aux œuvres la qualité d’artefacts culturels. Plus récemment, j’ai remarqué une évolution dans la création d’environnements atmosphériques pour la présentation de vos œuvres, dans lesquels il est difficile de dissocier les sculptures de l’environnement lui-même. Ai-je raison de voir cela comme une évolution, où vous mettez en scène une scénographie spécifique qui modifie l’expérience des œuvres par le spectateur ?

LLD : Oui, vous avez tout à fait raison. Le premier musée que je me souviens avoir visité enfant est le muséum d’histoire naturelle de la ville de Bordeaux. J’ai d’ailleurs l’habitude de visiter ces musées dans chacune des villes que je visite et je m’inspire naturellement de leurs dispositifs muséographiques. Lors de mes deux dernières expositions, j’ai cherché à faire entrer l’espace extérieur à l’intérieur du « white cube », et produire ainsi un décor à la fois naturel et artificiel, tellement vivant qu’il évolue aussi durant la durée de l’exposition. Dans la galerie Semiose à Paris, nous avons créé une clairière pouvant faire penser à un jardin abandonné, où étaient exposés mes récentes sculptures de rocaille et des dessins, entre deux fougères ou derrière des branches. Au Mrac Occitanie à Sérignan, nous avons construit une grotte pour y présenter, sous la forme d’un diorama, des extraits de dix années de recherches, ainsi qu’un jardin de pierres. Le fond et la forme, tant d’un point de vue formel que conceptuel, transforment potentiellement les lectures que l’on pourrait faire des objets présentés mais aussi de l’espace d’exposition. Mais contrairement aux musées d’histoire naturelle, je fais entrer le spectateur à l’intérieur de ces dispositifs.

SLB : Vous travaillez avec toute une série de matériaux différents, dont beaucoup ne se rencontrent pas habituellement dans l’atelier d’un artiste : coquillages, dents, excréments fossilisés, os... Ce type d’exploration matérielle est de plus en plus courant de nos jours dans le domaine de l’art, mais vous avez tendance à repousser les limites des matériaux que vous utilisez ou dans lesquels vous trouvez un sens. Le bois est aussi manifestement un élément important pour vos sculptures et pour la création d’objets totémiques et rituels. Pouvez-vous nous dire comment vous choisissez les matériaux que vous utilisez ?

LLD : Bien qu’évidemment j’achète parfois des matériaux, ceux que j’utilise ou dont je m’inspire proviennent principalement de l’endroit où je me trouve quand je travaille. J’en découvre aussi souvent lors de repérages, voyages ou vacances. On me donne aussi des choses, souvent incongrues, qui pourraient potentiellement m’intéresser pour la sculpture...
Autant influencé pendant mes études par des artistes californiens comme Tim Hawkinson et Tom Friedman, que par les sculptures animalières de Barry Flanagan, Germaine Richier ou Louise Bourgeois, mes premières sculptures
d’animaux étaient réalisées avec des matériaux pauvres. J’étais à la recherche de matériaux en décalage par rapport au sujet afin de créer différentes lectures, notamment poétiques.
À partir d’herbe compostée et récupérée chez mes parents, j’ai modelé une vache qui avait l’apparence du bronze. Du carton récupéré au bord d’une route, préalablement modelé par les pneus des voitures pendant un hiver sous la neige, m’a servi pour une sculpture d’éléphanteau (Mammouth, 2001). Des cheveux récupérés chez les coiffeurs et des dreadlocks d’étudiant.e.s de l’école des beaux-arts de Bordeaux m’ont servi à faire le pelage d’un Saint Bernard (2001). Toutes ces sculptures étaient réalisées à échelle 1 et pouvaient provoquer chez le regardeur un effet de cécité ou tout du moins un doute sur le matériau dont je m’étais servi pour les réaliser. Mes premières sculptures en taille directe furent en dents de vache, issues d’un crâne offert par un étudiant qui avait abandonné l’idée de le mettre sur le pare-choc de sa voiture.

SLB : Le matériau d’une œuvre d’art décide-t-il du sujet ou du contenu ? Je veux dire, les qualités du matériau prédéterminent- elles le sujet, ou bien ces questions font-elles partie de votre négociation avec le matériau lui-même ?

LLD : Souvent le matériau amène le sujet, mais parfois c’est l’inverse. Quand j’ai commencé à sculpter le bois, c’était une évidence, pour ses qualités atmosphériques – je pense à la femme à la bûche dans Twin Peaks –, pour sa disponibilité – je pouvais en trouver facilement –, mais aussi pour l’engagement écologique que cela imposait. La question a été : que sculpter ? J’ai commencé par une grosse noix dans une grume de marronnier qui venait aussi de chez mes parents et après un long séjour au Canada, notamment sur l’île de Vancouver en Colombie-Britannique, il y a eu les Totems qui reprennent la forme des distributeurs Pez, puis les Fantômes...
Le bois a ensuite amené le papier mâché et le carton-pâte, plus légers et plus faciles à mettre en œuvre, surtout que mon atelier à l’époque était situé dans le demi sous-sol de mon appartement. J’ai aussi été influencé à ce moment-là par Philip King qui avait réalisé dans son grenier ses formes de cônes en linoléum, un matériau souple qu’il pouvait descendre par l’escalier. J’ai réalisé à ce moment-là des tentes et des tipis en dépeçant des canapés en cuir.
J’ai toujours été intéressé par les matériaux éphémères, ou qui ont déjà vécu leur vie et peuvent potentiellement contenir en eux une conscience du vivant, comme s’ils savaient ce que mourir veut dire. Malgré tout, récemment, à la fois pour des raisons conceptuelles et des questions de pérennité, le papier mâché m’a amené vers la technique du bronze et m’a poussé à travailler avec des fondeurs. De la même façon, le bois et le dessin m’ont amené vers un rocailleur, avec qui je collabore aujourd’hui.

SLB : Pour en revenir à vos dessins, parfois il semble qu’un dessin donne l’impulsion à une sculpture, parfois l’inverse. Est-ce bien le cas ? Peut-on observer une telle causalité dans votre pratique ?

LLD : Sauf lorsque j’y suis obligé, par exemple pour préciser une idée, préparer une installation ou faire des études dans le cadre de projets, je dessine rarement mes sculptures et ne sculpte pas ce que je dessine, exception faite pour Foyer (2008) qui pourrait sembler inspiré par la série des dessins « Dans le bois » (2006). Cependant, j’ai réfléchi à cette question quand je projetais l’an dernier de reprendre mes photographies pour la série sur mon chat Grelot. J’avais constitué depuis quelques années une collection d’images de ce chat posant régulièrement dans mon atelier parmi les sculptures en cours de réalisation ou terminées. Ces images me faisaient penser au livre Le Mystère des chats peintres (Heather Busch et Burton Silver, 1995, Taschen) : bien que ce soit un peu tiré par les cheveux, j’aimais l’idée que l’on puisse penser que le chat avait lui- même fait mes sculptures. En tous cas, d’un point de vue psychique, ce n’était pas impossible... ! Plusieurs choses m’ont intéressé – en plus de rendre un hommage à ce chat, disparu depuis, compagnon à la fois très présent et fidèle – telles que : comment, par le biais de mon dessin à l’aspect suranné, inventer une autre narration pour ces œuvres et en questionner l’origine ?; comment invoquer ainsi une autre temporalité qui pourrait paraître fantasmée, bien qu’elle soit réelle ? Mais j’avais aussi dans l’idée de faire une exposition uniquement avec les œuvres à côté desquelles le chat avait choisi de prendre la pose et de s’endormir, comme s’il avait joué le rôle de commissaire de l’exposition que je projetais de faire.

SLB : Il semble y avoir dans votre pratique un dialogue entre l’artistique et le quasi-scientifique, une étude artistique de la nature et des phénomènes naturels qui rappelle l’étude objective du monde naturel que l’on peut observer dans de nombreuses disciplines scientifiques. Je dirais qu’en examinant l’ensemble de votre corpus, on pourrait regrouper vos œuvres en catégories, peut-être par matériau ou par sujet. Cela suggère-t-il que les idées ou les substrats matériels à partir desquels l’œuvre d’art se développe fonctionnent comme des spécimens d’étude ?

LLD : C’est une très bonne question mais je ne sais pas si je vais pouvoir y répondre. Pour être honnête, je suis davantage guidé par la fascination qu’exercent sur moi un matériau ou une forme que par le besoin de catégories : pour moi tout cela fait partie d’un tout. Je ne pense pas qu’il y ait une règle dans ma démarche sachant que tout cela évolue jour après jour. Je me laisse porter par le désir de faire en fonction de ce que je vois, de ce qui m’inspire et de ce que j’ai sous la main. C’est sûrement pour cela qu’il y a autant de récurrences.
Mais je pense aussi qu’au fond de moi, l’une de mes intentions est d’épuiser le sujet ou en tous cas d’étudier différentes possibilités de représentation à partir d’un même objet.
Prenons par exemple les sculptures sur dent. La première tête date de 2003. À partir de là, je tente de réaliser un autoportrait, on m’offre une dent d’âne plus grosse et j’y réalise un buste.
Ensuite vient une tête de singe puis un écorché... Quinze ans plus tard, l’envie de sculpter des dents revient, je passe devant une brocante en Bretagne, j’achète une dent de cheval et j’y sculpte un nu. Puis, après une annonce sur les réseaux sociaux, je récupère une dizaine de dents. J’ai suffisamment de matière pour penser cette fois-ci une série et je décide de représenter l’évolution de l’homme en cinq sculptures.
En ce qui concerne les sculptures que vous classez parmi les objets rituels, j’ai toujours été fasciné par les musées anthropologiques qui sont l’une de mes principales sources
d’inspiration, tant les objets exposés que leur muséographie. La question est que faire lorsque l’on est un homme cis, blanc, hétéro, vivant en province, père d’un enfant ? J’essaye donc de travailler à partir de mes propres intuitions, souvent dictées par la rencontre avec ces objets, en me demandant ce que je pourrais faire aujourd’hui. C’est là où le choix et la provenance du matériau revêtent leur importance. Pour Totems (2007), il était important que ce soit du bois de chêne provenant de Dordogne et j’avais volontairement choisi de représenter des têtes de gros animaux que j’aurais pu croiser lors de mon séjour canadien. L’intention de ces sculptures en bois un peu Pop, en rapport avec les distributeurs de bonbons Pez, était pourtant venue avant mon voyage.
Un dernier exemple pour répondre à votre question : entre 2012 et 2017, j’ai commencé à m’intéresser aux fausses pierres. J’ai cherché sur Google « comment réaliser de faux rochers ». Comme pour la cuisine, j’ai suivi chaque recette à la ligne. Elles étaient aussi bien partagées par un photographe animalier que par un fou de bassin de jardin, un ado adepte de jeux de rôle, un décorateur d’aquarium ou une mamie à la retraite détaillant comment faire une crèche de Noël. À partir de restes de polystyrène d’une sculpture de montagne
(Marie-Hélène, 2017), j’ai réalisé neufs rochers différents, présentés la première fois au centre d’art de Pontmain, sous forme de paysage autour d’une souche en carton-pâte, d’après des photos d’un cairn probablement construit par des singes. Quelques mois plus tard, ces rochers ont fait partie d’une autre exposition à Château-Gontier, présentés dans une immense étagère en bois comme une collection muséologique, dont l’une des inspirations fut un dessin humoristique de Gary Larson : des hommes préhistoriques au milieu de bibliothèques de pierres, « You know, I used to like this hobby... But shoot !
Seems like everybody’s got a rock collection ».

SLB : Pour continuer sur le sujet des matériaux inhabituels que vous utilisez dans vos œuvres – par exemple, des excréments de dinosaures, du quartz, des coquillages et différentes essences de bois –, je ne peux m’empêcher de lire un intérêt pour le temps dans ces choix, et dans certains cas une conversation avec le temps profond, le temps géologique.
Pensez-vous aux différentes échelles de temps lorsque vous produisez vos œuvres et à la façon dont les matériaux que vous utilisez sont liés à la relation de l’humanité avec le temps ? Je pense à des choses comme la pétrification, les archives fossiles, les artefacts du futur, et même le chewing- gum ancien...

LLD : Vous avez tout à fait raison mais le hasard et des visions poétiques ont aussi une grande importance dans la rencontre avec ces matériaux. Le fait qu’ils soient parfois très anciens peut donner à la sculpture une certaine forme de crédibilité. On en revient à nouveau à ces matériaux qui ont eu une vie antérieure... J’ai découvert l’existence des coprolithes à Bruxelles dans la partie jurassique du muséum d’histoire naturelle. Je les ai prises en photo et c’est en pensant à des représentations de bonhommes en merde que j’ai commencé à en commander sur eBay pour les sculpter. Le quartz rose dont j’ai fait un chewing-gum appartenait à ma mère qui avait une collection de pierres qu’elle délaissait un peu. Certaines, au fil des ans, se cassent ou disparaissent. Elle n’a jamais remarqué, me semble-t-il, que son quartz rose avait disparu... Je m’intéresse évidemment beaucoup à la notion de sédimentation ainsi que du devenir fossile et de la pétrification des sculptures. D’ailleurs, ma dernière exposition joue là- dessus, notamment à partir du titre, My Prehistoric Past. Ces quinze dernières années, j’ai réalisé trois grottes avec du carton et du papier kraft. Cette fois-ci, on a décidé de la faire en dur, comme si elle faisait partie du bâtiment et qu’elle avait pu potentiellement être découverte récemment. Dans le second espace, des graviers tapissent le sol, comme après excavation. Certains de mes travaux sont vieillis volontairement, je pense aux bas-reliefs des terriers, ou bien laissés à l’entropie naturelle : invité à exposer dans le même musée à cinq ans d’intervalle, j’ai choisi de remontrer la même œuvre, un gros coquillage en papier mâché sur une table en métal, maintenant rouillée, exactement au même endroit.

SLB : Je suis sûr que les fortes tendances surréalistes de votre œuvre ont déjà été soulignées. D’un point de vue historique, le mouvement surréaliste a-t-il un caractère particulier pour vous en tant qu’artiste ? Et si oui, de quelle manière ?

LLD : J’aime beaucoup cette question car personne jusqu’à aujourd’hui n’a jamais fait le rapprochement entre mon travail et ce mouvement, mais c’est tellement évident. J’ai découvert Arcimboldo lorsque j’étais enfant. On m’a offert très jeune un catalogue sur Dalí ainsi qu’un petit livre des éditions Gallimard, Une génération entre le rêve et l’action, que j’ai encore avec moi aujourd’hui. Ce sont les premières œuvres d’artistes que j’ai commencé à recopier. Mais pour être honnête, peu d’artistes de ce mouvement m’intéressent vraiment, à part Meret Oppenheim, Dorothea Tanning, la période vache de Magritte, ainsi que les sculptures de Giacometti que l’on rapproche de cette période. Je dois citer aussi Marcel Duchamp, Giorgio De Chirico et même Picabia dont certaines œuvres pourraient faire partie de la liste.
J’avoue apprécier davantage le surréalisme à travers des artistes plus tardifs qui s’y réfèrent : je pense à Ed et Nancy Kienholz mais surtout à Robert Gober, dont le rapprochement avec Magritte dans la programmation du MOCA de Los Angeles en 2000 apparaissait comme une évidence. C’est aussi à ce moment-là que j’ai découvert Jim Shaw et son livre de dessins Dreams.
C’est vrai que je considère toutes mes expositions comme des espaces oniriques, les jeux d’échelles entre mes sculptures peuvent être lus comme des formes poétiques, des associations d’idées issues de songes. Mais, au même titre que la théâtralité,
la narration, la représentation ou l’illustration, le surréalisme était une forme plutôt bannie à l’école d’art lorsque j’ai fait mes études. J’ai l’impression qu’à l’époque, tout le monde préférait Dada. J’oublie aussi l’inspiration qu’ont eu sur moi les masques Eskimo d’Alaska et je repense à certaines de mes sculptures, les corps qui surgissent de formes animales, les chimères, l’apparition d’objets surdimensionnés, les collages de requins nageant parmi les champignons... D’ailleurs mes récentes collaborations sculpturales à quatre mains avec l’artisan rocailleur Philippe Le Féron suivent complètement ce chemin-là !

SLB : Lorsque je vous ai rendu visite pendant l’hiver 2017, vous m’avez offert un petit livre à reliure spirale, divisé horizontalement en trois parties, contenant des dessins d’animaux fantastiques, des bêtes hybrides qui sont des composites de différentes espèces animales mélangées. C’est un jeu surréaliste basé sur le cadavre exquis. En interchangeant les segments horizontaux, on peut composer ses propres créatures. J’ai donné ce livre
à ma fille et il réapparaît régulièrement dans la maison, il fait désormais partie intégrante de notre vie familiale ! C’est une sorte de jeu fantastique pour les enfants, dans lequel il y a un appel inconscient qui incite l’esprit à se demander quelles autres significations il pourrait y avoir. J’aimerais en savoir plus sur votre fascination pour les mondes imaginaires des enfants et sur la façon dont la psychologie des rêves joue un rôle dans votre travail ?

LLD : Nous avons édité ce livre lors de la réalisation d’une commande publique pour une école primaire de Saint-Denis. Cette installation consiste en trois sculptures chimériques, inspirées par les livres découpés que j’avais lorsque j’étais enfant et que j’ai continué à utiliser étudiant. Ces sculptures ont été inventées à partir de neuf animaux dont les caractéristiques formelles et les textures de peaux me semblaient intéressantes à traiter. C’est alors que l’idée de faire un livre-carnet à partir de mes dessins d’études s’est imposée, en laissant des pages blanches pour que chaque élève puisse le compléter et inventer ses propres animaux à partir d’un morceau de mes dessins.
Souvent mes sculptures reprennent des formes de jouets d’enfants. C’est une source directe d’inspiration car j’aime leur simplicité et leur humour. Je les reproduis à une autre échelle, avec un autre matériau dans le but qu’elles puissent contenir en elles suffisamment de lectures, ainsi qu’une part de mystère. Cela répond, me semble-t-il, à la question de la place du rêve dans mon travail.

SLB : Une grande partie de votre œuvre me semble en fin de compte porter sur la métamorphose et la transformation. Cela peut prendre la forme d’une transformation matérielle, physique ou mentale ou d’un changement de perception. En regardant l’ensemble de vos œuvres, je reviens sans cesse à Ovide et à ses Métamorphoses. Dans les premiers vers du poème, il écrit : « Mon esprit me porte à parler des formes changées en corps nouveaux. » Cela semble s’appliquer à votre propre travail. Et si c’est bien le cas, quel rôle jouent des choses comme l’amour, le pouvoir, ou encore la lutte entre l’art et la nature ? Quelle est l’influence de ces éléments sur votre œuvre ?

LLD : Oui, c’est exactement cela ! Toutes ces choses que vous énumérez font partie de mon travail. En tous cas, j’essaye qu’elles soient présentes tout comme la panoplie de genres que j’invoque : le grotesque, le drôle, le grave, le macabre pour n’en citer que quelques-uns. C’est aussi certainement dû au fait que je ne suis jamais seul quand je travaille, je suis entouré de fantômes, je me laisse porter par les artistes dont les œuvres m’inspirent, les textes que je lis ou les émissions de radio que j’écoute.

SLB : Il y a une qualité mythique dans votre travail, pas tant que votre œuvre soit d’une stature mythique, mais elle semble inspirée par « l’universalité des mythes », comme l’a décrit l’auteur et théoricien Joseph Cornell. Pouvez-vous nous parler de votre intérêt pour les mythes et de la façon dont
le mythique devient matériel dans votre pratique ?

LLD : Quand j’étais plus jeune, j’étais autant passionné par la mythologie grecque que par l’astrologie à cause d’une série animée que je regardais. Le Choc des Titans (1981) de Desmond Davis, fondé sur le mythe de Persée, m’a aussi énormément marqué enfant. Je pense que mon sens esthétique et mon amour du carton-pâte doivent beaucoup aux effets spéciaux de Ray Harryhausen ! Comme le surréalisme, la mythologie a infusé dans ma pratique, de façon consciente ou non. Je pense par exemple au mythe de Sisyphe que j’ai rejoué en faisant rouler une boule de neige dans le Massif central. J’ai évoqué d’autres mythes, toujours de manière décalée : cela peut offrir, il me semble, des clés de lecture. Et bien sûr, quand on pratique la sculpture, comment ne pas penser à la Méduse ou à Frankenstein ?

Steven L. Bridges est commissaire en chef et directeur des affaires curatoriales au Eli & Edythe Broad Art Museum de l’université d’État du Michigan.

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Steven L. Bridges : I’d like to take drawing as a starting point for our conversation. As I understand it, drawing was one of your early passions and it remains an important part of your practice today. How did you first develop an interest in drawing, in depicting the world and life around you in this way, and what place does it still hold for you in the present?

Laurent Le Deunff : My interest in drawing goes back to my childhood. I remember drawing while watching cartoons on TV, trying to directly reproduce images from the series I liked. When I was at school, drawing was my one of my favorite activities and academic subjects… and the only one where I got the highest grades. It helped me to communicate and make friends with others and that’s still probably true even today. What I like about drawing is its simplicity and the scant means required by the practice. You really don’t need much:
a pencil, a sheet of paper and an eraser, as well as a table and a chair.
When I began preparing the entrance interviews for art school, I was strongly advised not to show my drawings but to focus on things that had more to do with the “contemporary art scene” or that could be associated with it. So, I pushed drawing to one side during my studies, only occasionally coming back to it, when the idea I was working on justified its use. For example, I would draw hybrid animals, trying to imitate the style of illustration I found in encyclopedias.
Shortly after leaving art school, I began to see more and more the necessity of drawing as a means of representing and recounting things that I couldn’t do with sculpture. One of my first series, “Chasseurs flous”,1 was inspired by photos from the magazine Le Chasseur français.2 Using a mechanical pencil, I would meticulously draw the hunters in the style of hunt engravings, while carefully removing their weapons and erasing the background, capturing them alone on a white background, in a kind of romantic blur alongside the hunted animal. Incidentally, Le Chasseur français was also one of the first magazines I came across that ran lonely hearts ads.
Obviously, this fascinated me too.

SLB : So, the readers weren’t just hunting animals but also maybe a partner or companion of some sort (laughter). Drawing is still an important element in your work but over the past two decades, you’ve done sculptures, public art, installations and created larger environments… When you develop an idea, what determines the format or medium or way of working? How do these different art forms, the ways they communicate, tie in with the conceptual nature of a particular project? Maybe you could give an example?

LLD : Today my drawing practice alternates with my sculpture in a continual back and forth movement. Each involves a different tempo, but at the same time they are quite complementary.
I try to explore the links potentially uniting these separate mediums and to create a dialog between the two, especially within my exhibitions, like recently with the series about my cat, Grelot.
Although my practice revolves principally around drawing and sculpture, I like to open up other fields of exploration; this also depends on the opportunities I’m offered.
When I’m invited to exhibit in the open air, I think of my sculptures as entities, if possible, on a human scale, and which take into consideration the environment in which they are presented. What particularly interests me are situations that encourage interaction with the works. For example, the work Hibou3 that is on permanent display on a walking trail, at the Vent des Forêts (in the Meuse area), and which regularly receives offerings left by walkers at its feet in the shape of pine cones. This is one example amongst many… I’m fascinated by the lives these works lead, the way they age and evolve with the surrounding environment, even if they are on display in an urban setting and for a relatively short period.

SLB : I really appreciated what you said about your consideration of scenography in the presentation of your works. Looking at older exhibitions, you often use museological display techniques, where the elements are presented on pedestals or supported by metal armatures in different ways. This reproduces the feel of perhaps a natural history museum and lends the pieces the quality of cultural artifacts. More recently I have noticed a shift toward the creation of atmospheric environments for the presentation of your works, where it’s difficult to disassociate the sculptures from the environment itself. Am I right in seeing this as an evolution, where you stage a specific scenography that impacts the spectator’s experience of the works?

LLD : Yes, you’re absolutely correct. The first museum I remember visiting was the Museum of Natural History in Bordeaux. As a matter of fact, I make a point of exploring these types of museums in every city I visit and naturally draw inspiration from these museological displays.
In my two most recent exhibitions, I’ve attempted to incorporate elements of the outside world inside the “white cube,” producing a décor that’s both natural and artificial and sufficiently alive to enable it to evolve during the exhibition. At Semiose in Paris, we created a clearing reminiscent of an abandoned garden, where some of my recent sculptures and drawings were displayed amongst fern leaves or behind branches. At the Mrac Occitanie in Sérignan (France), we built a cave in which extracts from ten years of research were displayed in the form of a diorama alongside a stone garden. Content and form, both from a conceptual and formal point of view, have not only the potential to transform the spectator’s reading of the objects presented but also their vision of the exhibition space. However, unlike natural history museums, I try to bring the viewer inside these installations.

SLB : You work with a range of different materials, many of which are not typically found in an artist’s studio: shells, teeth, fossilized excrement, bones… This kind of material exploration is becoming more common these days in the field of art, but you tend to push the envelope in the materials you employ or find meaning in. Wood is also obviously an important element in your sculptures and creation of totemic and ritual objects. Can you tell us about how you arrive at the materials you use and why?

LLD : Sometimes I just buy certain materials, but most of what I use and what inspires me originates from wherever I happen to be working at the time. I also discover things during research trips, holidays and other moments when I’m traveling.
Sometimes people give me things, often oddities that might interest me for sculptures…
When I was a student, I was highly influenced by Californian artists such as Tim Hawkinson and Tom Friedman, as well as animal sculptures by Barry Flanagan, Germaine Richier, and Louise Bourgeois, and my early sculptures of animals were created with humble materials. I sought out materials that were at odds with the subjects in order to invite a variety of readings, especially poetic ones. This is still the case today. I collected composted grass from my parents’ house and modeled a cow that appeared to be in bronze. Some discarded cardboard, shaped by car tires during one snowy winter, was used for a sculpture of a baby elephant (Mammouth, 2001). I collected hair from hairdressers and dreadlocks from fine art students in Bordeaux for the fur of a Saint Bernard (2001). All these sculptures were on a life-size scale and could seemingly have an illusionary effect on the spectators or at least cause some doubt about the materials I had used to produce them. My first direct carvings were made using cow’s teeth, from a skull given to me by a student, who had given up on the idea of mounting it on the bumper of his car.

SLB : Does the material for an artwork decide the subject or content? I mean, do the qualities of the material predetermine the subject, or is this part of your negotiation with the material itself?

LLD : Often the material inspires the subject but sometimes it’s the opposite. When I started to sculpt wood, it was for obvious reasons: for its atmospheric qualities (I’m thinking of the “Log Lady” in Twin Peaks), for its availability—it was easy to find—and the ecological commitment it imposed. The question was: what should I carve? I began with a large walnut inside a log from a chestnut tree that also came from my parents’ garden. After I returned from a long stay in Canada, mainly having been on Vancouver Island in British Colombia, there were the Totems, which took on the upright form of Pez candy dispensers. Then there were the Fantômes…4
Working with wood led to papier-mâché and pulpboard, which were lighter and easier to work with, especially in my studio at the time that was in the basement of my apartment. During that period, I was also influenced by Philip King, who made his linoleum cones in his attic—it was a flexible material and could be taken down his stairs. Myself, I made tents and teepees with leather cut from old sofas.
I’ve always been interested in ephemeral materials or things that have already lived their lives and thus potentially contain within them an awareness of what living means as well as death. In spite of all this, papier-mâché has recently led me to work with bronze and specialized founders. In the same way, drawing and carving wood pushed me towards working with a rocaille sculptor,5 with whom I’m currently collaborating.

SLB : Returning to your drawings, at times it appears that a drawing may provide the impetus for a sculpture, or maybe vice-versa. Is this actually the case? Can one observe causality like this across certain veins of your practice?

LLD : Except when I’m obliged to, for example to give more precision to an idea, to prepare an installation or to carry out studies within the framework of a project, I rarely draw my sculptures or sculpt what I draw. An exception would be Foyer (2008), which may appear to have been inspired by the series of drawings “Dans le bois” (2006). I did however think about this question last year, when I thought about using my photographs for the series about my cat, Grelot. Over a number of years, I’d been putting together a collection of images of the cat posing next to the finished and unfinished sculptures in my studio. These images made me think of the book, Why Cats Paint?, by Heather Busch and Burton Silver (1994, Ten Speed Press). Even if the idea was a bit far-fetched, I liked the idea that someone might think it was the cat who had done the sculptures. In any case, from a psychic point of view, it wasn’t completely impossible…! I was interested in several aspects—as well as paying homage to this cat, a faithful and ever-present companion—such as: how to invent, through my old-fashioned looking drawing, another narrative for these works and to bring their origin into question; how to invoke in this way a different temporality that might seem fantastical, yet was actually real? I also had the idea of organizing an exhibition with just the pieces the cat had chosen to pose next to and fall asleep, as if he had taken on the role of curator for the exhibition I was preparing.
SLB There seems to be a dialog in your practice between the artistic and the quasi-scientific, an artistic study of nature and natural phenomena that brings to mind the objective study of the natural world we can observe in many scientific disciplines. It occurs to me that in looking at your wider practice, one could group your work into categories, perhaps by material or subject. Does this suggest that ideas or the material substrates from which the artwork grows operate as specimens of study?

LLD : That’s a very good question but I’m not sure I have an answer for you. To be perfectly honest, I am more influenced by my fascination for a particular material or form than by a need to create categories: for me everything is just part of a whole. I don’t think there are any fixed rules within my approach, especially as it evolves on a day-to-day basis. I let myself be carried along by what I see in front of me, what inspires me and what I have at hand. That’s also probably why there are so many recurring themes and materials.
Deep down, there is also a desire to “exhaust” a particular subject or at least to study all the different possibilities of representing the same object. Let’s take my tooth sculptures as an example. The first head I sculpted dates back to 2003. From there, I went on to attempt a self-portrait. Then someone gave me a donkey’s tooth that was bigger, so I made a bust. Then there was a monkey head and a flayed man… Fifteen years later, I rediscovered a desire to sculpt teeth and I bought a horse tooth at a flea-market in Brittany, from which I sculpted a nude. Then, I placed an ad on social media and ended up with about a dozen teeth. This gave me sufficient material to consider creating a series and I chose to represent the evolution of man in five sculptures.
As far as the sculptures you might classify as ritual objects are concerned, I’ve always been fascinated by anthropological museums and they have become a major source of inspiration, both in terms of the objects on display and the way they are presented. The question is, what to do when you are a cisgender, straight, white male, father of a child and living in provincial France? So, I try to work using my own intuition, often influenced by my encounters with these objects, constantly asking myself what I could do today. This is where the choice and origin of the material takes on its importance. For Totems (2007) the choice of oak from Dordogne was important to me, and I specifically chose to represent heads of large animals that I might have come across during my trip to Canada. The idea that these somewhat Pop-styled sculptures should resemble Pez candy dispensers came however before my trip there.
One final example in response to your question: between 2012 and 2017, I began to take an interest in fake stones. I googled “how to make fake rocks” and followed the various recipes to the letter. They were shared by an incredible variety of people: an animal photographer, a man who was crazy about garden ponds, an adolescent fan of role playing games, an aquarium decorator, and even a retired granny explaining how to make a Christmas crèche. From the polystyrene remainders of a mountain sculpture (Marie-Hélène, 2017), I managed to make nine different rocks, which were put on show for the first time at the Pontmain Art Center as a landscape, arranged around a papier-mâché tree stump, based on photos of a cairn that was probably constructed by monkeys. A few months later, the rocks were used in another exhibition at Château-Gontier and were presented in an enormous wooden bookcase, as if part of a museological collection and which was inspired by a humorous drawing by Gary Larson showing prehistoric men in the middle of a library of rocks: “You know, I used to like this hobby… But shoot! Seems like everybody’s got a rock collection nowadays.”

SLB : To continue on the subject of the unusual materials you turn to in your pieces, for instance, dinosaur excrement, quartz, shells and different types of wood. I can’t help reading an interest in time in your choices of material, and in certain cases a conversation with deep time, geologic time. Do you think of different timescales as you produce your work and how the materials you use are connected with or communicate about humanity’s relationship to time? I’m thinking about things like petrification, fossil records, future artifacts, and even ancient chewing gum…

LLD : You are again quite correct but chance and poetic vision play an equally important role in my encounters with these materials. The fact that they are sometimes quite ancient can lend the sculptures a certain form of credibility. Once again, we’re going back to the idea of materials that have had a previous life… I discovered the existence of coprolites in the Jurassic section of the Natural History Museum in Brussels.
I took photos of them and with the idea in mind of creating little men made of shit, I began to buy a few on eBay in order to sculpt them. The pink quartz I used to make chewing gum belonged to my mother, who had a collection of stones she was getting fed up with. A few have ended up broken or missing over the years and she never noticed her pink quartz had disappeared…
Obviously, I’m quite interested in the notion of sedimentation as well as fossilization and the petrification of sculptures. In fact, my latest exhibition plays on this, particularly its title, My Prehistoric Past. Over the last fifteen years, I’ve made three caves out of cardboard and brown wrapping paper. This time, we decided to make a more solid version that appears to be part of the building and might even have been discovered recently. In the second space, the floor is covered in gravel, as if after an excavation. Certain of my works are aged voluntarily— the bas reliefs of animal burrows for example—others are left to the natural effects of entropy. Once, when I was invited to exhibit in the same museum five years later, I chose to present
exactly the same piece in the same place: A large papier-mâché seashell on a metal table, which had gone rusty in the intervening time.

SLB : I’m sure the strong surrealist tendencies in your work have already been remarked upon. From an art historical perspective,
does the surrealist movement hold special weight for you as an artist? And if so, in what ways?

LLD : I really appreciate this question because up until today no-one has ever made the comparison between my work and this movement, even though it’s rather obvious. I discovered Arcimboldo when I was a child. When I was very young,
I was given a catalog about Dalí and a little book published by Gallimard—Une génération entre le rêve et l’action—that I still have today. These were the first artworks that I tried
to copy. But to tell the truth, very few of the artists from this movement really interest me, apart from Meret Oppenheim, Dorothea Tanning, Magritte’s “cow period,” and the sculptures by Giacometti from the same era. I should also mention Marcel Duchamp, Giorgio De Chirico, and certain of Picabia’s pieces that might fit in with this list. I must admit I prefer to view Surrealism through the work of later artists who were influenced by it such as Ed and Nancy Kienholz and particularly Robert Gober, whose obvious connection with Magritte was brought to the fore in the programming of the Los Angeles MOCA in 2000. It was also at this time that I discovered Jim Shaw and his book of drawings entitled Dreams.
It’s true that I consider all my exhibitions as dreamlike spaces; the play on scale in my sculptures can be read as poetic forms and the various associations of ideas as visions from dreams. But alongside theatricality, narrative, straight representation or illustration, Surrealism was pretty much banned in the art school where I studied. I have the impression that at the time everyone preferred Dada, which is probably why I took other paths. I forgot to mention the influence that Alaskan Eskimo masks had on me and some of my sculptures, where bodies emerge from animal forms, chimeras and oversized objects appear, collages of sharks swimming among mushrooms… Interestingly, my recent collaborations with the rocaille sculptor Philippe Le Féron head in a very similar direction!

SLB : When I visited you in the winter of 2017, you gave me a small spiral-bound book, split horizontally into three sections, containing drawings of fantastic animals, hybrid beasts that are composites of different animal species blended together. It’s a surrealist play on the exquisite corpse and by interchanging the horizontal segments, you can compose your own creatures. I passed this book on to my daughter and it regularly reappears around the house—it’s become a real part of our family life! It’s a kind of fantasy game for children, but within which there is a subconscious call, a beckoning that teases the mind into wondering what other meanings it might hold. I’d be interested in hearing more about your fascination for the imaginative worlds of children and how the psychology of dreams plays a role in your work?

LLD : This book was published as part of a public commission for a primary school in Saint-Denis in the suburbs of Paris, which consisted of an installation with three chimeric sculptures, inspired by the cut-up picture books I had as a child and continued to use as a student. The sculptures were created from nine animals, whose physical characteristics and skin textures seemed to me to be interesting to tackle. It was at this point that the idea of making a booklet from my study drawings came up, leaving blank pages for the pupils to complete by inventing their own animals based on parts of my drawings.
My sculptures often take the form of children’s toys. They are a direct source of inspiration because I love their simplicity and humor. I reproduce them on a completely different scale, using very different materials, so they can be read in different ways, while retaining a share of mystery, thus stimulating the imagination.

SLB : Much of your work ultimately seems to me to be about metamorphosis and transformation. This can take the form of material, physical or mental transformation or shifts in perception. Looking through your body of work, I find myself returning time and again to Ovid and his Metamorphoses. In the opening lines of the poem he writes: “I intend to speak of forms changed into new entities…” This would seem to apply to your own work. If so, what role do things like love, power and the struggle between art and nature play? What bearing do these things have on your work?

LLD : That’s a perfectly valid comment! All of the things you mention play a part in my work. In any case, I try to make sure they are present, alongside the panoply of genres I invoke: the grotesque, the funny, the serious and the macabre, to mention just a few… They are certainly also present due to the fact that I never feel alone when I’m working. I’m surrounded by ghosts, I let myself be carried away by the artists whose work inspires me, the texts I read and the radio programs I listen to.

SLB : There is a mythical quality about your work, not so much that your work is of mythical stature, but that it seems inspired by the “universality of myths,” as the author and theoretician Joseph Cornell once put it. Can you tell us a little about your interest in myths and how the mythical becomes material in your practice?

LLD : When I was young, I was fascinated by Greek mythology and by astrology because of an animated series I used to watch. Clash of the Titans (1981) by Desmond Davis, which was based on the myth of Perseus, was also something that had an enormous impact on me as a child. I would say that my sense of aesthetics and my love of pasteboard owes a great deal to Ray Harryhausen’s special effects! Like Surrealism, mythology has permeated my practice, whether consciously or not. The myth of Sisyphus comes to mind, which I re-enacted by rolling a snowball up a mountain in the Massif Central. I have evoked other myths in my work, but always in a quirky way: this, in my mind, can provide keys to reading certain works. And of course, when you are a sculptor, how can you avoid thinking of Medusa or Frankenstein?

Steven L. Bridges is Senior Curator and Director of Curatorial Affairs at the Eli and Edythe Broad Art Museum at Michigan State University.

Translator’s note:
1. Blurred Hunters. In the French title, there is a play on words between “flou” (blurred) and “fou” (crazy).
2. The French Hunter.
3. Owl.
4. Ghosts.
5. Rocaille sculpting is the art of producing “fake wood” from cement, often found in parks and gardens.